La RSE est-elle obligatoire pour les TPE et PME ? [2026]
Lorsqu’il est question de RSE, cette interrogation revient sans cesse. Une réponse simple ne suffit pas à éclairer ceux qui envisagent sérieusement la RSE, en particulier les petites et moyennes entreprises en quête de conseils pour se lancer dans cette démarche à la fois complexe et porteuse de valeurs. Alors, la RSE est-elle obligatoire pour les TPE et PME en France ?
Cet article vous guidera à travers les principales obligations légales françaises et européennes, et sur les obligations indirectes.
[cet article est régulièrement mis à jour pour inclure les dernières actualités en matière d’obligations RSE - dernière mise à jour le 14 novembre 2025]
Sommaire :
La RSE va au-delà du réglementaire
⚠️ DEVOIR DE VIGILANCE EUROPÉEN
🌳 RÉDUCTION DE L’IMPACT CARBONE
🚙 VERDISSEMENT DE LA FLOTTE AUTOMOBILE
♻️ LOI AGEC ET TRI 5 FLUX : AGIR POUR UNE ÉCONOMIE CIRCULAIRE
💸 LOI SAPIN II : LUTTE CONTRE LA CORRUPTION
💻 ACCESSIBILITÉ NUMÉRIQUE (DÉCRET 2019 ET SUITE DU RGAA)
✌🏼 OBLIGATIONS SOCIALES / QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL
👩🏻💻 CYBERSÉCURITÉ ET PROTECTION DES DONNÉES
La RSE va au-delà du réglementaire
Dans l’imaginaire collectif, la RSE (Responsabilité Sociale des Entreprises) ou le développement durable ne sont pas perçus comme obligatoires, car ils ne sont pas appliqués systématiquement. Mais le fait que le RSE recouvre des thématiques telles que l’environnement ou la sécurité au travail sème la confusion, puisque ces thématiques font l’objet d’obligations réglementaires.
Il faut en effet veiller à bien distinguer ces obligations de la mise en place d’une démarche RSE, qui intervient au niveau stratégique de l’entreprise.
Une entreprise peut tout à fait être “dans les clous” sur les obligations légales liées à son activité, et ne pas avoir entrepris de démarche RSE.
Et à l’inverse, on voit régulièrement de grands groupes se faire épingler pour non-respect de normes environnementales ou sociales… Alors même qu’ils affichent une politique RSE flamboyante (du bon greenwashing comme on l’aime en sorte).
Si l’on reprend l’une des premières définitions du concept de RSE, dans la pyramide de Archie B. Carroll (1991), on constate que le socle légal fait partie du minima requis avant d’aller vers une démarche RSE complète, intégrant la responsabilité éthique et philanthropique.
Le Cadre légal de la RSE
Les obligations liées aux démarches RSE sont issues de plusieurs textes réglementaires, chacun ayant des seuils d’application différents.
La RSE touchant à quasiment tous les sujets de l’entreprise, la liste ci-dessous élargit volontairement le spectre et présente les principales obligations qui pèsent sur les entreprises dans ce domaine.
🇪🇺 Directive Européenne CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive ou CSRD)
Initialement entrée en vigueur en 2024, la CSRD élargissait considérablement les obligations de publication d’informations environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) pour les entreprises européennes, en remplacement de la directive NFRD.
Elle imposait notamment un reporting de durabilité annuel, fondé sur l’analyse de double matérialité, à un périmètre très étendu incluant de nombreuses PME dépassant deux des trois seuils suivants : 250 employés, 40 M€ de chiffre d’affaires, 20 M€ de total de bilan.
Évolutions majeures votées le 13 novembre 2025
Dans le cadre du paquet de simplification Omnibus I, les députés européens ont adopté une position visant à réduire significativement la charge administrative des entreprises. Les principaux changements prévus sont les suivants :
Nouveaux seuils d’application de la CSRD :
Seules les entreprises dépassant 1 750 salariés et 450 M€ de chiffre d’affaires seraient désormais soumises au reporting de durabilité : une simplification majeure réduisant fortement le nombre d’entreprises concernéesNormes ESRS allégées :
Diminution du niveau de détail qualitatif requis et caractère optionnel du reporting sectoriel, afin de simplifier les obligationsProtection renforcée des PME – rôle central de la norme VSME :
Les grandes entreprises ne pourraient plus exiger des PME des informations dépassant le cadre de la norme ESRS for Very Small and Medium Enterprises (VSME). Cette norme simplifiée, spécialement conçue pour les petites et moyennes entreprises, vise à standardiser et limiter les demandes d’informations ESG dans la chaîne de valeur, réduisant ainsi la pression actuelle exercée sur les fournisseursChamp du devoir de vigilance restreint (CSDDD) :
Il ne s’appliquerait qu’aux très grandes entreprises, dépassant 5 000 salariés et 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires (cf ci-dessous)
Prochaines étapes : les négociations entre le Parlement et le Conseil débutent le 18 novembre 2025, avec un objectif de finalisation d’ici fin 2025.
⚠️ Devoir de Vigilance européen (Corporate Sustainability Due Diligence Directive ou CSDDD)
En France, depuis 2017, les grandes entreprises françaises ont l’obligation de prévenir les atteintes aux droits humains et les dommages environnementaux au sein de leurs chaînes d’approvisionnement. Cette loi nationale s’applique aux entreprises comptant plus de 5 000 employés en France ou plus de 10 000 employés dans le monde. Ce “devoir de vigilance” français a servi de modèle à la directive européenne sur le devoir de vigilance, dite CSDDD.
Dans le cadre du vote du 13 novembre 2025, le Parlement européen propose une restriction importante du périmètre de la directive européenne sur le devoir de vigilance (CSDDD).
La nouvelle version ne concernerait que les très grandes entreprises, dépassant 5 000 salariés, et 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires. Cette révision vise à réduire la charge administrative des entreprises européennes, en cohérence avec le paquet de simplification Omnibus I.
À noter que la loi française de 2017 sur le devoir de vigilance demeure pleinement en vigueur et n’est pas supprimée par la future directive européenne CSDDD. Toutefois, les nouvelles orientations votées le 13 novembre 2025 réduisent fortement la portée du dispositif européen.
Pour les TPE et PME françaises, même si elles ne seront pas directement soumises à la CSDDD, la pression réglementaire restera avant tout nationale, via la loi française et les attentes des grandes entreprises clientes. Les simplifications prévues au niveau européen devraient néanmoins limiter les demandes excessives de données dans la chaîne d’approvisionnement, notamment grâce au recours encadré à la norme VSME, conçue spécifiquement pour alléger les exigences adressées aux petites structures. Ainsi, les TPE et PME restent peu exposées juridiquement, mais toujours concernées opérationnellement par les obligations de vigilance de leurs donneurs d’ordre.
🌳 Réduction de L’IMPACT carbone
Le Bilan d’Émissions de Gaz à Effet de Serre (BEGES réglementaire) est rendu obligatoire par l’article L.229-25 du Code de l’environnement, instauré par la loi Grenelle II du 12 juillet 2010.
Organismes assujettis en 2025/2026 :
Entreprises privées de plus de 500 salariés en métropole (plus de 250 salariés en outre-mer),
Établissements publics de plus de 250 agents,
Collectivités territoriales de plus de 50 000 habitants,
Personnes morales de droit public comptant plus de 250 agents.
Depuis la loi Climat & Résilience (2021) et ses décrets d’application :
Le BEGES doit être complété d’un plan de transition décrivant les actions de réduction des émissions (article L.229-25 modifié)
La publication est obligatoire sur la plateforme publique Dépôt BEGES (ADEME)
La périodicité est de 4 ans pour toutes les entreprises, au lieu de 3 ans auparavant
Le scope 3 devient obligatoire pour les entreprises privées (hors émissions dites « évitées »)
Pour les TPE/PME, il n’existe pas d’obligation légale directe si elles ne dépassent pas ces seuils. En revanche, la demande d’empreinte carbone (ou BEGES simplifié) devient courante dans la chaîne de valeur, notamment pour répondre aux exigences des grands donneurs d’ordre, aux critères des marchés publics, ou pour accéder à des financements publics (France 2030, ADEME).
⚡️ Décret Tertiaire (article 175 de la loi Élan)
Le décret tertiaire (Éco Énergie Tertiaire) impose une trajectoire obligatoire de réduction des consommations d’énergie finale : −40% d’ici 2030, −50% d’ici 2040, −60% d’ici 2050 (par rapport à l’année de référence). Les obligations de déclaration et de planification se poursuivent, avec des procédures de modulation possibles et des échéances de dépôt de dossiers techniques pour 2027 selon les cas.
Pour les TPE/PME propriétaires ou occupants de locaux tertiaires de plus 1 000 m², il faut planifier la mise aux normes ; pour les plus petites surfaces, l’impact est indirect (exigences côté bailleur, fournisseurs de services).
🚙 Verdissement de la Flotte Automobile
La politique française a fortement encouragé l’électrification des flottes (quota et transparence pour les grandes flottes).
Attention : certaines obligations minimales prévues pour les très grandes flottes ont été supprimées ou ajustées par la loi de finances 2025, mais le reporting sur l’acquisition de véhicules faibles émissions pour 2024/2025 a été maintenu et des incitations financières existent encore.
En pratique, les TPE/PME ne sont généralement pas visées par des quotas contraignants (sauf si elles détiennent plus de 100 véhicules), mais elles bénéficient d’aides à l’électrification et subissent des attentes commerciales (clients demandant des flottes vertes).
♻️ Loi AGEC et tri 5 flux : agir pour une économie circulaire
La loi n°2020-105 du 10 février 2020, dite Loi Anti-Gaspillage pour une Économie Circulaire (AGEC), marque un tournant majeur pour les entreprises françaises en matière de gestion des déchets et de responsabilité environnementale. Elle impose progressivement la réduction des déchets, l’interdiction de certains plastiques à usage unique et le développement de filières de réemploi et de recyclage. Dans ce cadre, le tri des déchets professionnels devient une obligation concrète pour favoriser le recyclage et limiter l’impact environnemental.
Le tri 5 flux (papier/carton, métal, plastique, verre et bois) est encadré par le Code de l’environnement (articles R.541-8 et suivants) et le décret n°2020-1055 du 7 août 2020. Il s’applique notamment :
aux entreprises, commerces et administrations de plus de 20 salariés lorsque la majorité de leurs déchets est composée de papiers de bureau ;
aux sites professionnels dont les déchets sont collectés par un prestataire privé ;
aux sites collectés par le service public dont les déchets dépassent 1 100 litres par semaine.
💸 LOI SAPIN II : Lutte contre la corruption
La Loi Sapin II et les recommandations de l’Agence Française Anticorruption maintiennent les seuils applicables : les dispositifs anti-corruption obligatoires ciblent aujourd’hui principalement les entreprises de plus de 500 salariés et avec un chiffre d’affaires supérieur à 100 millions d’euro (ou groupes remplissant ces critères).
Les TPE/PME sont souvent sollicitées par des grands donneurs d’ordre pour des preuves de conformité (due diligence fournisseurs) et gagnent à adopter des principes de prévention proportionnés.
💻 Accessibilité numérique (décret 2019 et suite du RGAA)
Depuis 2019, le cadre réglementaire français impose aux services de communication publique en ligne une accessibilité numérique renforcée. Le décret n°2019-768 du 24 juillet 2019, reprenant les obligations du Référentiel Général d’Amélioration de l’Accessibilité (RGAA 4.1), impose que certains sites web et applications soient accessibles aux personnes en situation de handicap. Concrètement, cela signifie que la navigation doit être compatible avec les lecteurs d’écran, que les contenus visuels soient correctement décrits et que les fonctionnalités soient utilisables sans souris.
Pour la majorité des TPE et PME, l’obligation légale directe reste limitée (les seuils concernent principalement les sites publics ou les entreprises très exposées), mais la pression des donneurs d’ordre et des marchés publics pousse progressivement toutes les entreprises à prendre en compte l’accessibilité dans leur communication numérique.
Adapter son site dès maintenant peut donc représenter un avantage concurrentiel, tout en réduisant le risque de non-conformité future.
✌🏼 Obligations sociales / qualité de vie au travail
La RSE ne se limite pas à l’environnement : le volet social est central, et plusieurs obligations légales structurent la vie en entreprise. Par exemple, l’Index égalité femmes-hommes (loi n°2018-771 du 5 septembre 2018) oblige toutes les entreprises de 50 salariés et plus à calculer et publier un indicateur de parité salariale.
De plus, le document unique d’évaluation des risques (DUERP, article R4121-1 du Code du travail) reste obligatoire pour toutes les entreprises à partir de 1 salarié, quelle que soit leur taille. Enfin, selon la taille et le secteur, certaines entreprises doivent engager des négociations sur la qualité de vie au travail (QVT) et sur les politiques de rémunération.
Pour les TPE et PME, ces obligations sont moins nombreuses, mais la mise en place de pratiques de prévention, de suivi du bien-être et de reporting interne constitue un socle RSE solide et apprécié par les collaborateurs et les clients.
👩🏻💻 Cybersécurité et protection des données
La sécurité des données et des systèmes d’information est devenue un véritable volet de la RSE. Le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD, règlement UE 2016/679) impose à toutes les entreprises de protéger les données personnelles de leurs clients et collaborateurs.
Parallèlement, la directive européenne NIS2, transposée en droit français fin 2024, renforce les exigences de cybersécurité pour les opérateurs de services essentiels et les entités importantes dans certains secteurs critiques.
Même si la majorité des TPE et PME ne sont pas directement dans le périmètre de NIS2, elles peuvent être amenées à démontrer leur niveau de sécurité à leurs clients ou partenaires, notamment dans le cadre de la chaîne d’approvisionnement. Mettre en place des mesures simples (gestion des mots de passe, sauvegardes régulières, sensibilisation des collaborateurs) contribue à répondre à cette exigence et constitue un levier de confiance pour les relations commerciales.
Obligations RSE indirectes et pressions du marché
On observe de plus en plus des obligations non réglementaires émerger à différents niveaux : marchés publics, donneurs d’ordre, et investisseurs.
Dans le cadre d’une réponse à un appel d’offres, il est courant de voir que le cahier des charges exige des critères RSE. Les PME et TPE qui travaillent comme fournisseurs ou sous-traitants auront donc intérêt à anticiper ces critères.
Les grandes entreprises sont de fait attentives aux risques encourus sur toute leur chaîne de valeur. Elles peuvent exiger des informations et des engagements de la part de leurs sous-traitants, de leurs fournisseurs ou filiales, et ainsi rendre leur chaîne de valeur davantage “RSE compatible”. C’est souvent le cas par le biais d’une évaluation EcoVadis qui attribue un score RSE aux entreprises évaluées. Si c’est votre cas, notez que Lost in Transition peut vous accompagner dans votre réponse et votre collecte d’informations pour EcoVadis.
Cela vaut aussi du côté des investisseurs. Ces derniers sont de plus en plus attentifs aux données extra-financières des entreprises avant de signer les gros chèques. J’évoquais ce sujet de l’Investissement Socialement Responsable (ISR) dans un article paru sur Courrier Cadres : “On note que l’exclusion normative [méthode consistant à bannir de ses investissements des entreprises ne respectant pas certaines normes internationales] s’implante peu à peu dans le monde de la finance. Cette pratique amène certains investisseurs à filtrer leurs investissements selon des principes éthiques ou certaines normes. Nous sommes encore frileux par rapport aux pays d’Europe du Nord, qui l’ont bien intégrée, mais cela devrait évoluer compte-tenu de la place de plus en plus importante donnée à la finance responsable”.
Il est également important de noter que la RSE fait aujourd’hui l’objet d’une norme ISO internationale, l’ISO 26000. Attention : celle-ci n’est pas “certifiante” : il s’agit donc de lignes directrices générales définies dans un cadre commun. Elle n’intègre ainsi pas de critères RSE à atteindre. Cette norme constitue une base pour de nombreux référentiels et labels (comme le Label LUCIE), mais elle n’est pas une obligation réglementaire pour les entreprises.
En bref : les PME et TPE doivent donc vigilantes même si elles ne sont pas toujours directement concernées par les obligations RSE.
Les (nombreux) bénéfices de la RSE
Même si la RSE n’est pas toujours une obligation stricte pour les PME et TPE, s’engager dans une démarche RSE présente de nombreux avantages :
Positionnement concurrentiel : se démarquer de la concurrence par des pratiques responsables
Attractivité et fidélisation des talents : répondre aux attentes croissantes des salariés pour un environnement de travail responsable
Accès aux marchés publics et privés : répondre aux critères de plus en plus stricts des appels d’offres et des investisseurs
Contributions positives : apporter une contribution positive aux enjeux environnementaux et sociaux
Soutenir des initiatives solidaires et favoriser les collaborations avec l’économie sociale et solidaire
La RSE, bien qu’elle ne soit pas toujours une obligation légale stricte pour toutes les entreprises, devient de plus en plus incontournable en raison des pressions réglementaires, des attentes des parties prenantes et des opportunités qu’elle offre.
Les PME et TPE ont tout intérêt à intégrer les principes de la RSE dans leurs stratégies pour rester compétitives et répondre aux défis contemporains.
Et, en toute franchise, personne n’a encore vu d’entreprise revenir en arrière après avoir mis en place une démarche RSE 😉
Le principal, c’est de se lancer !
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